Antyz

Comme papa et maman me le disaient lorsque j’était petit: pour construire une maison, il faut avant tout s’assurer d’avoir de solides fondations. A l’adolescence, j’ai souvent essayé d’aller à l’encontre de ce « proverbe à la con de mes vieux », mais j’ai vu irrémédiablement toutes mes maisons construites à l’envers s’écrouler, aussi belles furent-elles. Alors aujourd’hui lorsque je vois Antyz réussir le double exploit d’avoir des fondations en carton et de construire un peu n’importe comment par-dessus, je ne peux m’empêcher de me demander ce que ses parents ont fait pour qu’il en arrive là.

Antyz, comme son nom l’indique, est un jeu de fourmis. Aux commandes de l’une d’elles, il s’agit de se creuser un chemin vers le bas du niveau en sauvant un maximum de nos congénères tout en évitant les obstacles se dressant sur notre chemin. Concrètement, on peut diriger la fourmi à gauche et à droite, la stopper à n’importe quel moment, activer des mécanismes et creuser dans la terre avec notre doigt aussi longtemps qu’une jauge nous le permet. On se retrouve donc avec un jeu faisant autant appel à la dextérité qu’à la réflexion. Une base de gameplay tout à fait censée si elle n’était pas agencée n’importe comment. Au contraire de Portal où action et réflexion se renforcent l’une l’autre dans un cercle vertueux, dans Antyz elles se chamaillent comme des enfants de maternelle.Antyz

La partie réflexion, vous l’aurez compris, est structurée autour de mécanismes à enclencher dans le bon ordre. On y ouvrir des portes, on creuse des chemins permettant à divers objets d’actionner des interrupteurs, on y allume des téléporteurs et des souffleries, bref : on agence le niveau de manière à pouvoir emmener notre fourmi du point A au point B. La partie action nous met directement aux commandes de la fourmi. Il s’agit là d’éviter toute surface solide (mur, portes, objets dangereux), et de ne pas subir de chute trop élevée. Si successivement ces deux approches auraient pu s’entendre, elle deviennent terriblement irritantes jouées simultanément car les dynamiques de l’une casse en permanence celles de l’autre et vice versa.
Par exemple, la partie réflexion exige que le jeu soit plutôt lent pour laisser au joueur le temps d’appréhender les énigmes: du coup, la fourmi se traine à la vitesse d’un escargot en phase terminale. Impossible dans ces conditions pour le joueur de ressentir le moindre plaisir aux commandes. En effet un jeu d’action exige une certaine vitesse pour titiller l’agilité du joueur mais forcé par la partie réflexion à ralentir le rythme, les papas d’Antyz ont été forcé de compenser par la punition pour donner un peu d’enjeu à l’action. Les collisions sont donc un impardonnables et rendent malheureusement le jeu   plus agaçant qu’excitant. Mais l’exemple le plus criant de l’incompatibilité action/réflexion reste le défilement de l’écran. Pour se plier aux exigences de l’action, le niveau se dévoile au fur et à mesure de la descente. Impossible alors pour le joueur de savoir s’il a  sur son écran l’entièreté des composants lui permettant de résoudre les énigmes. Il est donc très rapidement condamné à mourir à répétition pour comprendre ce que l’on attend de lui.

« Mais Sandro, tu es de mauvaise foi, il y a une option de prévisualisation du niveau! ». Certes mon cher lecteur, merci de me donner une transition parfaite vers la construction absurde de la maison Antyz. En effet, il est possible de prévisualiser les stages  mais ce n’est pas gratuit. Il faut s’acquitter d’une trentaine de cristaux, car Antyz est un free to play. Même pour le plus cynique des investisseurs, mettre derrière une ressource limitée une fonction aussi cruciale du gameplay revient à se tirer une balle dans le pied. Pour rentabiliser une stratégie free to play, il est important de garder le joueur et non de le faire fuir avec un game design bancal. Malheureusement, Antyz ne semble pas s’en être rendu compte et multiplie les contradictions de gameplay. Prenons par exemple les objectifs annexes. Chaque niveau possède un certain nombre de fourmis à sauver. Comme ces objectifs ne sont pas obligatoires, ils requièrent le plus souvent une bonne dose d’ingéniosité et de dextérité pour être complétés. Pour forcer le joueur à en remplir un certain nombre et plonger plus loin dans les finesses du gameplay, les autres jeux mettent en place des paliers requérant un certaine quantité d’objectifs remplis ou des bonus réservés aux joueurs les plus aguerris. Antyz_Free2Play

Rien de tout ça dans Antyz: les fourmis annexes servent uniquement à accumuler plus de cristaux. Cristaux qui s’accumulent de toutes façons régulièrement sur l’écran d’accueil et servent majoritairement à rendre le jeu plus facile avec des avalanches de bonus. Une curieuse approche qui demande au joueur de se surpasser dans le but de rendre le jeu plus facile. Autant dire que l’on snob bien vite toutes nos amies en détresse. Antyz n’hésite pas non plus à cumuler modèle freemium (désactivation des publicités pour une sommes fixe) et monnaie premium (monnaie obtenue via de l’argent réel, ici les cristaux). Le joueur n’a donc pas du tout l’impression d’être pris pour une quiche lorsqu’après avoir lâché 3 CHF pour désactiver les vidéos publicitaires intervenant tous les 3 niveaux, le jeu l’encourage sans arrêt par ses mécaniques de gameplay à passer à la caisse pour s’acheter quelques cristaux lui permettant de prévisualiser ses niveaux ou de creuser à l’infini.

Je serais mauvais joueur de vous quitter sans mentionner l’aspect graphique léché du titre. A défaut d’être vraiment à mon goût, la direction artistique est très propre et l’intro toute en animation suggère une très belle maîtrise de ce domaine par les parents d’Antyz. Malheureusement on parle ici d’un JEU. Et il semblerait qu’on ait oublié de leur dire que dans cette discipline on a beau essayer de construire la plus belle des maisons, si elle ne repose pas sur un gameplay en béton, elle sera toujours vouée à s’écrouler.