Bilan des conférences E3 2014

L’E3 est terminé, mais comme chaque année son climax était déjà atteint une poignée d’heures avant son ouverture. De lundi à mardi, Microsoft, Sony et Nintendo ont chacun leur tour rendu leur exposé pour l’année à venir. Au fil du temps, plus que les jeux souvent connus à l’avance, c’est aujourd’hui la manière de les présenter qui est l’objet de toute l’attention des experts. Ces shows quasi simultanés sont une occasion unique de percevoir l’état d’esprit de ces trois acteurs majeurs du marché avant d’attaquer la cruciale deuxième partie d’année. Petit tour de la session 2014.

Un élève perturbé
En choisissant Call of Duty pour ouvrir sa conférence, Microsoft donnait le ton d’une élocution fort conservatrice. Si bien que pour le spectateur, malgré un nombre conséquent de jeux, l’excitation manquait souvent à l’appel. En l’absence de Gears of War ou de Halo 5 Guardians, seul cinq jeux sur la vingtaine présentés étaient de réelles surprises, dont un Halo Master Chief Collection pas de première fraicheur. On préférera donc retenir l’annonce de Scalebound, nouveau projet de Platinum Games, Crackdown 3 l’open world au game design couillu et Phantom Dust, l’improbable retour d’une licence Xbox méconnue. Attendu sur le sujet des indépendants qui ont longtemps fait le bonheur de la Xbox 360, Microsoft n’a malheureusement pas fait marche arrière sur l’exclusivité exigée à la publication d’un jeu Xbox Live. Résultat de cette politique: un programme ID@xbox au line-up d’une rare tristesse allant jusqu’à inclure des adaptations de jeux pour téléphones portables. Constat similaire pour « l’indispensable » Kinect 2.0, avec une brève citation en milieu de conférence faisant office d’oraison funéraire.

Si Microsoft ne nous a pas proposé un programme scandaleux, il faut bien avouer que cette heure et demi nous a laissé un sentiment bien fade. Le géant américain semble encore chamboulé par le désaveux public de sa stratégie Xbox One. Les nécessaires bouleversements en découlant à peine achevés, le défi de l’année à venir sera de définir une nouvelle ligne directrice et de transformer leur boîtier multimédia en véritable console de jeu.

Un élève appliqué
Sony ouvrait lui sa messe avec Destiny, le gargantuesque MMOFPS de Bungie. S’il est encore difficile de s’enthousiasmer pour le jeu tant de nombreux aspects sont encore obscurs, il illustre par contre à merveille la volonté d’aller de l’avant que nous a proposé Sony mardi au petit matin. C’est un véritable festival de surprises qui était offert au spectateur, la moitié des jeux présentés l’étant pour la première fois. La majorité des deux heures de la présentation alternait donc entre annonces et séquences de gameplay de jeux précédemment révélés. On en retiendra principalement Bloodborne, le fils spirituel de Demon Soul, Let It Die, le nouveau projet de Grasshopper Manufacture, un Metal Gear Solid V au trailer léché et l’impressionnante séquence de gameplay de Batman Arkham Knight. Après un enthousiasmant point sur l’offre conséquente de jeux indépendants à venir sur le Playstation Network, c’est le désormais traditionnel et soporifique « instant chiffres » qui a ruiné une bonne vingtaine de minutes de la conférence. Ajouté à la triste présentation de Morpheus, un casque de réalité virtuel d’ors et déjà voué à aller rejoindre le Move et le Playstation Eye au cimetière des périphériques mort-nés, le milieu de la conférence fut quelque peu fastidieux. Seul le Playstation Now en astucieuse ambulance vidéoludique tentant de réanimer à la fois les télévisions de la marque et la Playstation Vita, y tirait son épingle du jeu.

Sony, à défaut d’être brillant, a su proposer un programme consistant, montrant un constructeur confiant et confortablement engagé dans cette nouvelle génération de consoles. La reprise initiée l’année dernière après une période de remise en question découlant du semi-échec PS3 se confirme donc, laissant présager du meilleur pour la PS4.

Un cancre génial
Nintendo marquait dès son ouverture la différence avec un combat homérique entre Iwata Honda et Reggie Zangief qui ne sera sûrement pas oublié de sitôt: une auto-dérision et un décalage salvateur après le corporatisme usuel de ses concurrents. Plus courte, la présentation profitait également d’un rythme sans faille, Nintendo y abordant la moitié moins de jeux mais dans un luxe de détails fort agréable. La firme japonaise, avec ses présentations s’attardant sur le game design, souhaitait clairement se poser en dernier bastion du JEU vidéo. Nous en avons retenu tout particulièrement Splatoon, un jeu multijoueur aux mécaniques aussi brillantes que sa direction artistique est insignifiante, Captain Toad, un attirant jeu de réflexion-action inspiré des niveaux bonus de Mario 3D World et évidement le nouveau Zelda qui, après le brillant épisode 3DS, donne très envie de découvrir un Hyrule mélangeant à nouveau avec talent liberté et structure.

Dans l’ensemble, Nintendo a donc été le plus convaincant des trois, mais il faut bien avouer qu’il fut, comme à son habitude, peu rassurant sur le support des éditeurs tiers, la totalité des jeux présentés sortant de ses écuries. L’année 2014 faisait également office de parent pauvre avec trois jeux sur onze prévus d’ici le mois de décembre, le reste étant défini par un vague 2015. Si nous sommes aujourd’hui plus rassurés sur l’avenir de la WiiU, il reste regrettable d’avoir à patienter au minimum un an avant de profiter des morceaux de choix.

Une bonne moyenne générale
L’E3 ne tombe pas en période d’examens par hasard. Comme lors de cet indispensable événement scolaire, il s’agit pour les élèves de remplir méticuleusement les cases imposées afin de rassurer le plus grand nombre de ses compétences. Pour cette année 2014, l’E3 ne compte aucun redoublant. Chaque participant a fourni un effort suffisant pour gagner le droit de recommencer l’année prochaine. Certes, l’élève Microsoft n’a pas particulièrement brillé, mais le divorce de ses parents n’y est pas étranger. Son camarade Sony s’en sort lui sans génie particulier mais avec un travail régulier. Quand au cancre Nintendo, malgré son refus de remplir les cases, nous sommes bien forcé de lui reconnaître un talent certain qui le place facilement en tête de sa volée.

Il ne nous reste donc plus qu’à leur souhaiter de belles vacances et vous donner rendez-vous à la rentrée pour cueillir le fruit de leurs belles promesses.