Darkest Dungeon : Quand ça fait du bien de se faire du mal.

Darkest Dungeon est une belle saloperie. Difficile d’entretenir une relation qui ne serait pas malsaine. Et pour cause, celui-ci ne nous veut à priori aucun bien et ne nous témoigne que peu de respect. Mais comment résister à son regard ténébreux et à la multitude de secrets qu’il rechigne à nous dévoiler ? De l’amour à la haine il n’y a qu’un pas, et dans Darkest Dungeon chacun d’eux ci sont potentiellement synonymes d’une catastrophe.

Avant même de s’y frotter, il faut bien avouer que le titre de Redhook fait envie. Son graphisme sombre et soigné, les promesses d’un gameplay qui fait la part belle à des aspects psychologiques et la voix prophétique du narrateur sont autant d’éléments qui convergent vers une ambiance cohérente et intriguante. Dès le premier coup d’oeil, Darkest Dungeon séduit, comme en témoigne le succès de son kickstarter backé à plus de 400% (313’000 dollars récoltés sur les 75’000 demandés). Mais ce n’est que le début. Un court instant naïf où on se laisse rêver à une aventure épique, gratifiante, sans vraiment savoir où on va mettre les pieds.

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Les héros de Darkest Dungeon ont la folie contagieuse, entre eux, mais aussi sur vous.

Le jeu se lance, et dès les premières minutes il tient ses promesses. L’ambiance glauque et oppressante est omniprésente, même sur l’écran titre. Réconforté dans nos attentes, une ténébreuse emprise s’insinue sournoisement dans l’esprit innocent des plus téméraires. Ouais, parce que Darkest Dungeon n’est pas du genre commode. On réalise dès le tutoriel que d’apprivoiser la bête ne sera pas une mince affaire. « Ce n’est pas grave si vous mourrez durant le tutoriel. », nous annonce-t-on. C’est sûr, il va falloir redoubler d’effort. C’est là selon moi ce qui fait tout le charme difficilement résistible de Darkest Dungeon. Explications.

Tout d’abord son système de combat, qui occupera une bonne partie de votre temps de jeu lors de vos pérégrinations dans les donjons. Au premier abord relativement simple, il requerra cependant quelques heures afin de pouvoir être pleinement maîtrisé. Aux oubliettes la sempiternelle trinité Tank/Dps/Healer, Darkest Dungeon pose un gameplay qui lui est propre, composé de classes ayant certes des affinités avec certains de ces rôles traditionnels, mais toujours selon ses règles à lui. Nos valeureux combattants se déplacent tout le temps à la queue leu leu et selon leur position dans la file, auront accès ou pas à certaines de leurs compétences. Le jeu compte actuellement 10 classes, toutes très différentes les unes des autres, chacune disposant de 7 compétences dont seulement quatre qui peuvent être actives en combat. Les combinaisons possibles sont nombreuses, et ce n’est pourtant là qu’un aspect mineur de toute l’étendue des éléments qu’il va falloir assimiler. C’est là où ça devient bandant.

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Et là, c’est le drame.

En plus donc de ces compétences, les personnages peuvent s’équiper d’objets aux propriétés très variables qui peuvent grandement influencer la manière de les jouer. Vos aventuriers disposent également d’autres compétences spéciales à utiliser lors de vos moments feu de camp. Mais ça n’est pas tout, car il faut également compter avec certains traits psychologiques, qui se rajoutent aléatoirement à chaque fin de mission sur la fiche de vos personnages. Certains d’entre eux sont bénéfiques, d’autres carrément catastrophiques. Une certaine quantité de ceux-ci sont directement liés à la fameuse jauge de stress, à considérer comme une deuxième barre de vie qui ne doit jamais se remplir sous peine de faire péter un câble à vos aventuriers. Si ceux-ci craquent, les effets sont à nouveau autant multiples qu’imprévisibles. Je sais, ça fait beaucoup, mais il y a plus. En effet, les donjons à parcourir se trouvent dans des zones qui elles aussi disposent de spécificités qui leur sont propres et pour lesquelles il faut s’adapter, en terme d’équipement, de composition d’équipe, etc…

C’est là une des grandes forces de Darkest Dungeon, c’est ce grand fouillis de variables multiples qui s’étalent sur plusieurs couches. Le seul moyen de progresser c’est par l’analyse et la planification méticuleuse et intelligente des aventures. Foncer la tête baissée à la va-vite relève du suicide pur et dur. Et quand bien même vous croyez avoir mijoté le parfait petit cocktail détonnant pour relever sans accroc une mission, qu’une suite d’événements malheureux anéantira implacablement tous vos espoirs.

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S’en aller pour un monde meilleur.

Le sentiment qui se dégage de cette condition particulière de joueur vulnérable est vraiment fascinant. Rien n’est jamais acquis, tout peut basculer à n’importe quel instant et le personnage auquel vous vous êtes attachés durant vos dix premières heures de jeu peut mourir sans qu’il soit possible de réagir d’une manière ou d’une autre. Reprendre une sauvegarde ? Impossible, le jeu sauvegarde automatiquement à chaque instant. Un personnage mort est perdu pour toujours. C’est dingue. Mais Darkest Dungeon n’est jamais gratuitement frustrant. C’est en analysant ses erreurs, en trouvant les bonnes combinaisons, en prenant des risques et en assimilant petit à petit un grand nombre des secrets rattachés à ses mécaniques particulières que l’on parvient à le dompter, petit à petit. Darkest Dungeon n’est rien d’autre qu’un apprentissage progressif dans un cadre punitif et cruel, contre lequel chaque victoire même minime se révèle incroyablement jouissive.

J’ai éprouvé autant de haine que d’amour pour Darkest Dungeon. Parce qu’il m’a souvent puni injustement, sur un coup critique sorti d’on ne sait où, dans le cadre d’une aventure pour laquelle j’avais pourtant tout prévu. Mais c’est aussi pour ça que j’en suis tombé amoureux. Si persévérance et témérité sont des qualités que vous aimez mettre à l’épreuve, foncez.