ÉPISODE #5: Mauvaises résolutions, bons jeux.

C’est fini, vous avez assez mangé. Il est plus que temps de sortir de table et d’empoigner souris et clavier. Mais à la différence des heures de fitness que le bon sens est en mesure de vous infliger pour gommer les vilaines traces des dernières festivités, dans la boîte à chocolats d’un coin de pixel, il n’y a que du plaisir sans effort. Et pourtant, c’est vraiment bon pour votre santé.

 

 

MONKEY FORTUNETELL

OùKonJoue : alienmelon.com | KiKiafé : partytimeHXLNT / TORLEY / Nathalie LawHead
Keske sé : 5 minutes / Gratuit / Flash / Best titlescreen in the world  / Divination simiesque
Via : RockPaperShotgun
monkeyfortunetell
Le début d’une année est l’occasion propice d’entrevoir un nouveau départ. Rien de plus symbolique que de jeter son ancien calendrier pour le remplacer avec son vierge successeur, si possible généreusement sponsorisé par l’amical des apiculteurs de la région, posant en tenue d’Adam pour l’occasion. Vous voilà donc fin prêt à noircir toutes ces cases blanches d’activités et de planifications pleines de bonnes intentions, mais qu’en sera-t-il vraiment ? À ce grand mystère dont la résolution nous est éternellement inconnue, sauf à Elisabeth Tessier, le jeu dont je vais vous parler propose, en partie, de vous éclairer.

En effet, Monkey Fortunetell est à considérer comme une fenêtre magique sur le monde de l’internet. D’abord, parce que son écran d’introduction est génialissiment hypnotisant. Pendant deux minutes, un être humain en costume de singe se déhanche vigoureusement, galvanisé par une bande-son électro-ésotérique semblant provenir des confins d’une galaxie low-fi. Le background déchaîne harmonieusement un flux tendu de lumière cosmique dont la seule vocation est de préparer votre âme à la suite de l’expérience, à savoir une divination simiesque.

Une fois remis de cette entrée en matière pour le moins troublante, il vous faudra secouer un tonneau pour que celui-ci déverse les singes qu’il contient sur le pentagramme de votre avenir. Ensuite, libre à vous de parcourir ou non les prévisions de votre futur. Voilà.

Je pense sincèrement que Monkey Fortunetell est absolument génial. Tout d’abord parce qu’il est bien fait, sous tous ses aspects. Qu’il s’agisse de la bande-son ou de son esthétique, chacun des éléments qui le compose a été réalisé avec grand soin, si bien que l’univers dans lequel le « jeu » nous happe est étonnement crédible, alors que complètement barré. Monkey Fortunetell n’a aucun sens, mais je n’avais depuis longtemps plus eu autant l’envie d’adhérer. À la manière du pastafarisme, moi j’ai envie de croire au singe humanoïde (?) cosmique qui shake son booty galactique pour décortiquer les fils de ma destinée.

 

 

LISA

OùKonJoue : itch.io | KiKiafé : cool rubna
Keske sé : 10 minutes / Gratuit / PC / Pixel-art tout chou / Un chien dans la clairière
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Lisa est un jeu plus difficile à décortiquer qu’à ce qu’il n’y paraît. Je pourrai vous parler de ces petits puzzles mignons, de son tutoriel intelligemment distillé, de la douce fluidité de son gameplay mais ça serait passé à côté de ce qui fait son réel intérêt.

Lorsque j’ai commencé à jouer, mon premier réflexe a été naturellement de chercher de quelle manière je pouvais progresser. Rapidement, j’ai trouvé réponse à ma question. Ainsi, tout guilleret je me suis empressé d’orienter mes actions pour que celles-ci aboutissent à la résolution des objectifs. Mais au fur à mesure que je progressais, je me suis laissé emporter. Il faut dire que Lisa n’a pas manqué d’arguments pour me happer en dehors de ce qu’il attendait vraiment de moi. L’environnement forestier tout de pixel-art délicatement tissé apparaît comme incroyablement doux, chatoyant et les sons d’ambiance reconstituent parfaitement un cadre qu’on pourrait qualifier du stéréotype la clairière des amis de Bambi, mais sans qu’ils ouvrent leur sale gueule. Tout est joli, tout est mimi, sans en être dégoulinant. Ce fut apaisant.

Je me suis donc promené, j’ai joué avec mon chien, avec des carottes, tout en balançant ma tête irl au gré des mimi-mélodies qui ont accompagné ma ballade. Sereinement, j’ai boudé le jeu pour seulement profiter de son ambiance. C’est quand même assez rare pour le souligner. Je finirai en citant la description du jeu par son auteur, qui en quelques mots est parvenu parfaitement à retranscrire ce que j’ai essayé de faire avec bien trop de mots : “a game about a dog & girl (: ».

 

 

PHOTOBOMB

OùKonJoue : itch.io | KiKiafé : Milkbaggames
Keske sé : 15 minutes / PC, MAC, Linux / Comme dans les Experts / Justice
Pour : 7D
FPS jam / PROCJAM14
photobomb

Ne vous laissez pas berner par le titre du jeu qui pourrait faire penser à une simulation de sabotage photographique d’arrière-plan. Rien à voir, Photobomb est un jeu sorti il y a deux mois, mais apparaît aujourd’hui plus que jamais d’actualité. Dans un futur relativement proche, vous incarnez un soldat de la paix. Un récent attentat s’est produit en plein coeur de la ville et c’est à vous qu’il incombe la lourde tâche de dénicher le suspect. Pour ce faire, vous avez à votre disposition un puissant logiciel qui récolte les données des réseaux sociaux, permettant ainsi de reconstituer les quelques secondes qui ont précédé l’incident. Cependant l’endroit en question est bondé d’êtres humains. Heureusement seul six suspects notables sont susceptibles d’être responsable. Pour tenter de découvrir lequel d’entre eux est le véritable coupable, vous devez naviguer dans la reconstitution de la scène en 3D et retrouver les mêmes plans de vue que ceux distillés sur les réseaux sociaux.

Le coup de main n’est pas très facile à prendre, car la mécanique n’est pas banale. Mais une fois assimilée, Photobomb devient vraiment captivant. Le jeu réclame discernement, réflexion, et le tout avec une grande rapidité d’exécution. En effet, le peuple réclame une justice imminente, et vous n’avez que deux misérables minutes pour mener à bien votre enquête. Au terme du temps imparti, quel quel soit l’avancée de votre inspection, vous devez procéder au jugement. Face à vous, le peloton aligné des suspects qui attend stoïque votre ultime décision. Un seul clic sur l’un d’entre eux le fera exploser instantanément.

Photobomb, non content de proposer une mécanique originale et captivante brille également de par son emballage et l’étrange sensation qu’il procure. En effet, tous les personnages qui composent la scène sont déshumanisés au possible: semblables au micro-poil de polygone prêt, tout blancs, dénués de toute animation, ils ne deviennent que des données, des éléments d’enquête à investiguer. Cependant, le moment où le joueur est amené à délivrer sa décision est troublant. Car une fois le jugement rendu, le jeu dévoile au joueur la véritable identité du responsable. Je me suis fréquemment trompé, dépassé par le temps imparti et celui nécessaire à la compréhension du jeu. J’ai donc injustemment tué de multiples innocents et laissé fuir tout autant de criminels. Même si les personnages que j’ai abattus n’étaient que de vulgaires tas de polygones pour lesquels il était impossible d’avoir un semblant d’empathie, c’est un sentiment d’injustice coupable qui m’a pris. Si bien que j’ai rejoué autant de fois nécessaires pour parvenir à discerner avec le plus de maîtrise et d’exactitude possible les responsables des attentats. J’ai tenu à être juste. Cerise sur le gateau, chaque partie de Photobomb est générée aléatoirement. À essayer, définitivement et sans attendre.

 

 

YOU DON’T KNOW THE HALF OF IT: FINS OF THE FATHER

OùKonJoue : gamejolt | KiKiafé : James Earl Cox III
Keske sé : 8 minutes / Gratuit / PC / Clip interactif frais / lol Drama
You dont know the half of it

Pour faire honneur à YOU DON’T KNOW THE HALF OF IT: FINS OF THE FATHER, je tâcherai de faire court et intense, à la manière de l’expérience poignante qui vous attend si vous cédez à l’appel de cette bien étrange production. Il s’agit d’un clip vidéo musical relativement interactif, avec plein de poissons. C’est d’un WTFesque complètement assumé et maîtrisé, le tout baigné dans une espèce de drame émotionnel grotesque et délicieusement surfait. C’est drôle, c’est très con et ça fait du bien.

 

 

HERE AND THERE ALONG THE ECHO

OùKonJoue : on joue pas vraiment | KiKiafé : CardboardComputer
Keske sé : 20 minutes / Gratuit / PC, Mac, Linux / Hotline surréaliste / Tourisme secret
Via : oujevipo
Here-and-there
Un jour, un type a dit que l’enfer est pavé de bonnes intentions, moi je lui aurai répondu que l’enfer c’est quand les gens te cassent les couilles avec leur sagesse populaire et, les hotline téléphoniques. Mais qui suis-je pour me dresser contre ce monument de bon sens millénaire qu’est la sagesse populaire ? Certainement pas un imbécile car j’ai changé d’avis. En effet, maintenant grâce à CardboardComputer, j’ai découvert que toutes les hotlines n’ont pas ce goût de souffre asphyxiant que l’on prête à l’antre de Satan.

Oui, car Here and There Along The Echo est une hotline, une vraie. Pas dans le sens où son but premier est d’égratigner votre patience en insinuant d’insoutenables mélodies d’ascenseur dans le creux de vos innocents tympans en quête de réponse, mais plutôt dans le sens où il ne s’agit réellement “que” d’un répondeur téléphonique. Si vous habitez dans le pays de l’Oncle Sam, vous pouvez accéder à ce répondeur directement en composant le (270) 301-5797 . Si tel n’est pas le cas, les développeurs ont pensé à vous et mettent à votre disposition un combiné téléphonique virtuel avec lequel vous pourrez joindre le fameux numéro.

Ce faisant, vous trouverez à l’autre bout du fil une voix suave et apaisante d’un gentil monsieur vous expliquant que vous avez composé le numéro du Bureau du Tourisme Secret. Ensuite, libre à vous d’appuyer sur les touches qui correspondront aux options proposées, à la manière d’une hotline tout ce qu’il y a de plus traditionnel. C’est ça qui est finalement assez troublant.

Dans la vraie vie, ce genre de répondeur téléphonique sert à nous mettre en attente et à nous aiguiller jusqu’à trouver la personne la mieux adaptée pour répondre à notre question/problème. Cette impulsion est inexistante dans notre cas, le joueur est dépourvu d’une telle intention. Que se passe-t-il dès lors ? De l’exploration, pure et simple, entre les différentes options. Il faut dire que ce saugrenu exercice est plaisant, car la pléthore de situations et d’options surréaliste imaginées a le bon goût de titiller notre curiosité : comment réveiller un serpent endormi, en apprendre plus sur la faune et la flore, découvrir les lieux où il est impossible de dormir, etc… La sagesse palpable du narrateur et sa tonalité ésotérique envoûtent. On se laisse facilement promener, car de toute manière nous n’avions nul part où vraiment aller.

Ah oui, et dernière petite chose, pensez à vous munir d’un crayon et d’un bout de papier. Ce serait dommage de passer à côté…

Voilà, chocobisous.