Mibibli’s quest.

On est jamais à l’abri d’une incroyable découverte. Véritable petit bijou d’inventivité et de créativité désinhibée, Mibibli’s quest est un plateformer haletant qui mérite d’être partagé.

J’en reviens tout juste et je suis épuisé, littéralement. Mibibli’s quest m’a poussé dans mes derniers retranchements. Mais le jeu en valait largement la chandelle, car j’y ai passé un moment absolument formidable. De prime abord, cela ne paraissait pourtant pas gagné. La dégaine quelconque du personnage principal et le graphisme rétro peu inspiré n’ont en effet rien de bien aguichants. Mais dès les premières minutes de jeu, cette mauvaise impression ne tarda pas à disparaître au profit d’un sentiment complètement antagoniste : je venais de mettre les mains sur un véritable joyau. Je vous livre donc maintenant les raisons de mon admiration, sous la forme d’une lettre d’amour, criblée de multiples digressions (nécessaires).

 

Mibilis_quest

Il n’a l’air de rien comme ça le bougre, mais croyez-moi l’habit ne fait pas le mibibli.

 

De nos jours, il est devenu difficile de définir ce qu’est véritablement le jeu vidéo indépendant. Mais je ne pense pas faire preuve d’une indécente audace en me permettant d’affirmer que le genre indi est désormais établi et reconnu dans la communauté du gaming comme une catégorie à part entière. Indi est devenu synonyme de tout un ensemble de valeurs, tels que créativité, volonté de faire différent et parti pris assumé. Jusque-là, peut-être que je ne vous apprends rien. Parfait, parce que je veux aller plus loin.

 

Pour moi, on distingue facilement deux genre de productions dans le genre indi. La première, la plus connue, est par exemple représentée par des productions tels que Hotline Miami, Limbo ou encore Don’t Starve. Qu’est-ce que tous ces jeux ont en commun me direz-vous, si ce n’est justement d’être indi ? Ils sont parfaitement calibrés et peaufinés afin de permettre au joueur de vivre une expérience cohérente, consistante et intègre. Hotline Miami vous rendra fou, mettant vos nerfs à vif épreuve en réveillant l’âme du sociopathe qui someille en vous. Limbo vous met dans la peau d’un personnage extrêmement vulnérable, confronté à un univers mystérieux et délicatement hostile. Don’t Starve quant à lui vous projette sans explications en plein coeur d’un écosystème exotique duquel il faudra apprendre pour espérer survivre. On s’y sent comme un Robinson Crusoé. Tous les éléments de game design, de graphisme, de sound design, etc, qui composent ces trois jeux convergent et se recoupent afin de permettre une expérience précise et assumée.

 Pour moi, on distingue facilement deux genre de productions dans le genre indi.

Une manière d’expliciter mon point de vue, est de le tester par l’absurde. Imaginez seulement : Hotline Miami avec des ajouts d’éléments RPG, quel intérêt ? Limbo en ligne, avec un open world, quel intérêt ? Don’t Starve, criblé de mini-jeux, là encore, quel intérêt ? Cela vous paraît absurde n’est-ce pas, et pourtant, combien de jeux AAA multiplient les couches de gameplay afin de s’assurer la satisfaction d’un maximum de joueurs. Assassin’s creed par exemple, il est possible d’y jouer pour et d’une multitude de manières différentes. Certains se plairont à le terminer pour son histoire, tandis que d’autres ne cherchent qu’à récolter tous ses trophées. D’autres encore ne le termineront jamais, mais adoreront se promener dans les rues de ses villes pour les explorer. La démarche fait sens, dans la mesure où les coûts de telles productions réclament de toucher un public large qui doit pouvoir s’y retrouver. Dans le monde du jeu vidéo indépendant, la démarche est exactement contraire: contenter un public plus restreint, mais en satisfaisant un besoin plus précis.

 

Des jeux indés. Faut bien mettre des images dans ce pavé non ?

Des jeux indés. Faut bien mettre des images dans ce pavé non ?

 

Voilà ce qui fait la force du jeu vidéo indépendant, et ce qui lui a permis de conquérir un public de joueurs toujours plus expérimenté et exigeant. Mais il ne s’agit là que l’une des qualités parmi d’autres que l’on peut reconnaître au genre. Quel rapport avec Mibibli’s quest, vous demandez-vous ? Un peu de patience et de courage, je vais y venir.

 Une autre caractéristique qui a contribué au succès de l’indi, c’est sa propension à l’expérimentation.

Qu’elle soit graphique ou qu’elle touche au gameplay, une des forces du jeu vidéo indépendant est de proposer des expériences différentes visant à chambouler les archétypes déjà établis. Quoi de plus légitime que de se risquer à faire dans l’original plutôt que d’imiter d’autres productions aux budgets beaucoup plus importants ? Mais au-de-là de l’aspect financier, c’est aussi l’ouverture des possibilités de création qui a favorisé cette explosion créative. Avec des logiciels tels que GameMaker, Twine, Adventure Game Studios et j’en passe, il n’est depuis bien longtemps plus nécessaire d’être un programmeur chevronné pour créer un jeu vidéo de A à Z.
Ainsi, c’est tout un nouveau pan de créateurs provenant de nouveaux horizons qui ont pu s’adonner à la création vidéo-ludique, en y injectant de nouvelles sensibilités. Peintres, artistes, philosophes, écrivains, journalistes, et j’en passe, sont tout autant de corps de métiers qui se sont accaparés le média pour s’y exprimer selon leurs perspectives. Durant mes chroniques (Les Bwates à Choco là), j’essaie souvent de vous partager une infime partie de toutes ces créations un peu folles et audacieuses qui germent sur la toile. L’Oujevipo (blog francophone) est également une MINE inestimable qui regroupe bon nombre de ce types de productions.

 

Middens et Super Meat Boy.

 

En résumé, le genre indi s’articule principalement donc autour de ces deux particularités: la volonté de proposer des expériences intègres construites sur la base d’intentions concises ET la propension à l’expérimentation créative. Rien de vraiment transcendant jusqu’ici, n’importe quel joueur un chouïa expérimenté est capable de le discerner. Là où ça devient intéressant, c’est quand à mes yeux ces deux particularités ne vont pas forcément de pair, au contraire. J’irai même jusqu’à dire qu’elles sont initialement antagonistes. Ce point de vue peut paraître saugrenu, mais il se révèle beaucoup plus pertinents dans les faits. Comparons un jeu tel que Middens qui fait la part belle à une totale désinhibition créative (cela se ressent au premier coup d’oeil dans son esthétique) avec un Super Meat Boy. Middens est un voyage onirique relativement chaotique, saupoudré de vagues notions de RPG pour lui donner l’air d’un jeu. Super Meat Boy est un plateformer tout ce qu’il y a de plus bête et méchant, mais au level design et à la physique ajustés au poil.

 Les deux jeux n’ont absolument rien en commun, pourtant tout deux demeurent indubitablement indie.

Mais que se passe-t-il lorsqu’un jeu parvient à concilier ces deux aspects ? Il se passe Mibibli’s quest. Ce dernier est un plateformer au premier abord relativement classique, véritable hommage à Megaman. Contrôles simples, on saute et on y tire comme dans les premiers épisodes de la mythique franchise de Capcom. Mais là où Mibibli’s quest fait très fort, c’est dans sa capacité à surprendre le joueur à chacun de ses niveaux, en rajoutant des éléments de level design ou de gameplay simples, mais terriblement efficaces.
Chaque nouvelle zone rencontrée force le joueur à assimiler de nouvelles mécaniques, à appréhender les difficultés en devant ajuster ses acquis. Le titre repose donc sur des bases classiques, mais en gonflant l’expérience d’une accumulation époustouflante de bonnes idées qui viennent intelligemment enrichir l’expérience de jeu. Si bien qu’à chaque début de niveau, n’importe quel joueur ne pourra s’empêcher de se demander : « Bon, alors qu’est-ce que le développeur a bien pu nous pondre pour celui-ci ? ». Oui, j’invoque ici la personne physique du développeur et ce n’est pas anodin. En effet on se rend bien compte que la personnalité de Ryan Melmoth (le créateur) dégouline sur chacun des éléments qui composent le jeu, que ça soit la trame narrative ou le character design bien barré, voire carrément débile. Des hashtags qui vous attaquent, des fleurs aux pétales téléguidées mortelles, ou carrément un ver de terre composé de planètes, les environnements et la faune hostile qui les composent ne manqueront pas de vous surprendre, mais tout en restant incroyablement cohérents. Vous voyez où je veux en venir ?

 

La rave zone, je vous conseille d'y mettre les pieds, vraiment.

La rave zone, je vous conseille d’y mettre les pieds, vraiment.

 

Non content de fourmiller de bonnes idées et de jouir d’une créativité qui vous éclatera à la gueule sans discontinuer, Mibibli’s quest demeure un titre très agréable à jouer. Servi par une difficulté croissante très bien maîtrisée, ce jeu fascinant n’en demeure pas moins un challenge relevé qui réclamera toute votre concentration. C’est à mes yeux ce qui fait son génie: créatif et décomplexé jusqu’à la moëlle épinière, mais parfaitement maîtrisé dans son intention de rendre hommage au genre du plateformer oldschool. C’est pourquoi j’ai été fasciné et monstrueusement enthousiaste. Mibibli’s quest parvient à marier harmonieusement les deux caractéristiques parfois antagonistes du genre indi. Si bien qu’une inimitable magie opère. J’ai ri, j’ai failli manger mon clavier, j’ai fumé une clope après une mort minable sur un boss en essayant de me ressaisir. J’ai retrouvé mon enfant intérieur, celui qui jouait à Megaman. Dieu que c’était bon.

 

Cerise sur le gateau, Mibibli’s quest est play for free or what you want. Ce qui signifie que vous pouvez vous y essayer sans avoir à débourser un seul centime. Mais si tout comme moi vous avez savouré chaque minute des 4-5 heures que durent l’aventure, il ne fait nul doute que de lâcher quelques dollars tombent sous le sens. Un seul regret néanmoins, la manette n’est pas gérée, mais l’installation de Joy2key se fait en 1 minute chrono et vous permettra facilement de pallier à ce manque. Ah oui et, retroussez vos manches, car vous allez en chier.

 PC + MAC, TELECHARGEMENT SUR GAMEJOLT
POUR DONNER DES SOUS c’est ici.
Via l’Oujevipo.

Voilà, chocobisous.