The Last of Us

Blockbuster incontesté de 2013, encensé par les journalistes ainsi que les joueurs, The Last of Us a su attiser ma curiosité, par ses promesses et son aura d’excellence qui transpirait par tous les pores de sa boîte. Verdict après les crédits de fin? Un sentiment extrêmement partagé : le scénario et les personnages sont matures, rugueux et prennent aux tripes. La direction artistique tout comme la technique font un boulot remarquable d’enrobage. Le gameplay nerveux et généreux, procure de belles sensations. Mais ce qu’il me reste au final de ce voyage, c’est une immersion en montagne russe.

A trop vouloir se prétendre film jouable, ou jeu cinématographique, The Last of Us laisse apparaître nombre de craquelures. Les éléments de gameplay, propres aux codes de la current-gen, annihilent totalement l’illusion de réalisme extrême souhaité par le scénario, la mise en scène et la technique.

La rencontre finale d’Ellie et David dans le chalet en est un exemple remarquable : il s’agit de se cacher derrière les rangées de tables, de contourner le Boss pour l’attaquer «3 fois» en évitant les chemins jonchés d’assiettes brisées, dont le bruit nous assure d’être repéré. Ce sont là des mécaniques vidéo-ludiques classiques. Sauf que narrativement, cela n’a aucun sens dans le contexte d’un jeu qui se veut si réaliste. Je les vois ces foutues assiettes, pourquoi ne pourrai-je pas les enjamber ? Pourquoi les 2 premiers coups de couteau ne font rien au méchant ? Pourquoi seule une cinématique finale, remplie de QTE permet de valider la mort de David ?

Les cinématiques et les scripts sont des phases de non-jeu, et pourtant ce sont les seuls qui semblent constituer l’histoire. Le Cinéma de The Last of Us est-il plus digne de confiance et crédible que mes actions et mon imagination ?

Contrat qui fonctionne sur une foule d’autres jeux: Joël se prend un nombre incalculable de balles, se soigne avec un bandage en 5 secondes, souffle un coup et repart aussi sec défourailler les ennemis à coup de shotgun. Soit, le gameplay l’impose et je suivrai ses règles. Fuite de l’université : Joël se blesse tel un gros noob, il s’empale à moitié sur une barre de fer. Cette fois-ci, pas de trousse de secours possible, le barbu passera 6 mois entre la vie et la mort. Quel suspense, quelle émotion, va-il s’en sortir ? La seule vraie blessure du héros est justifiée par un script improbable. Le joueur n’a aucun contrôle dessus, qu’il joue comme un Pro-gamer où avec les pieds, l’issue est exactement la même. Comment accorder un quelconque crédit au danger des phases de jeu, si Joël ne peut se blesser que lors de cinématiques. Un profond agacement s’installe au détriment de l’immersion tant souhaitée.

Ces deux exemples, choisis parmi tant d’autres, m’ont permis de comprendre pourquoi je n’ai pas réussi à m’investir émotionnellement. La magie de l’identification ne fonctionne pas. Il y a un clivage énorme entre le gameplay et l’histoire, entre le Joël-joueur et le Joël-acteur.

The Last of Us fait selon moi une erreur symptomatique de cette génération: n’être qu’un assemblage bancal et vieillot, de cinéma(tiques) et de jeu. Séparément, les deux sont plutôt bons. Ensemble, ils se détruisent l’un et l’autre.

Espérons qu’il sera le dernier à faire cette erreur.

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