Towaga

Je n’ai pas pour habitude de spoiler dès l’intro mais aujourd’hui je me sens taquin: Towaga est magnifique. Il vous prend les rétines, vous les retourne, vous les fait exploser, les reconstruit avec des tas de paillettes et recommence à l’infini. Ses animations vous envoient des crochets du droit dans votre train-train graphique morne et ennuyeux pour vous exploser la tête contre le mur de sa beauté. Malheureusement pour lui, chez un coin de Pixel l’aspect visuel c’est pas trop notre truc. Nous on tartine de la mécanique et sur ce point le petit dernier de Sunnyside est aussi à l’aise que Miss Monde à Questions pour un Champion.

Towaga repose sur un système que je n’avais plus vu en action depuis fort longtemps dans un jeu de tir: le lock. L’attaque principale fige les ennemis sur son passage, la mort ne survenant que lorsque le bouton de tir est relâché. Le but évidemment est de figer simultanément le plus grand nombre d’ennemis possible pour marquer des points mais surtout pour faire remonter la barre de vie. Car dans une très belle idée complémentaire, Towaga se dote d’un tir spécial à spectre beaucoup plus large mais grignotant de la santé. Le jeu repose donc sur un principe de quitte ou double assez astucieux où le joueur fait chuter volontairement sa vie pour générer des combos élevés permettant de la récupérer. Une mécanique centrale efficace qui est malheureusement fort mal entourée.

Premièrement, le système de dernière chance semble très fâché avec cette mécanique. En effet, lorsque le joueur un peu optimiste ou maladroit se retrouve avec une barre de santé totalement vide, il entre dans une phase étrange où pendant une vingtaine de secondes les combos ne font plus remonter sa santé. Il faut donc survivre avec le tir de base en attendant de réinitialiser sa barre de vie au terme de cette mauvaise passade. Un choix bien étrange qui non content d’évacuer totalement la mécanique centrale du jeu enlève des possibilités à un joueur déjà à l’article de la mort.

Ce design maladroit se retrouve également dans la construction générale du jeu. On sent que Towaga se rêve stratégique quand on voit la diversité de ses ennemis. Malheureusement, la diversité visuelle n’est pas la diversité fonctionnelle. Il ne suffit pas pour créer des prises de décision intéressantes de varier la vitesse ou les points de vies des adversaires. Il faut créer de véritables comportements différents qui une fois mélangés génèrent des dynamiques fortes encourageant le joueur à appréhender le gameplay sous un nouvel angle. Towaga propose bien un ennemi qui change sa voie d’attaque mais le pauvre est bien seul dans une écurie pleine de zombies fonçant droit au but. Même le boss du troisième niveau se contente d’augmenter les points de vie des chauves-souris. Ainsi à défaut de stratégie à adopter, on se console en tirant sans trop réfléchir sur la menace la plus proche comme dans un Shoot Them Up.
Alors peut-être que Towaga se rêve Shoot Them Up. Dans ce cas ses adversaires qui foncent tout droit sont des balles et tout s’explique. Seulement cela ne fonctionne pas non plus, car premièrement une balle se doit de toucher instantanément et non au terme d’une animation d’attaque et deuxièmement les tirs doivent être organisés en motif indiquant sans détour les priorités au joueur.
Manifestement Sunnyside a eu beaucoup de peine à définir une structure en adéquation avec la mécanique centrale de son jeu. Cette absence de cohérence rend malheureusement l’expérience extrêmement frustrante. On n’a jamais réellement la sensation de saisir les raisons de nos échecs car ni les fonctionnalités des ennemis, ni leur ordre d’arrivée, ni leur disposition dans l’espace ne semblent avoir été mis en place pour générer du sens. Plus grave encore pour un studio si fort dans le domaine visuel, cette grande confusion se retrouve dans l’aspect graphique du jeu.

Les visuels d’un jeu c’est capital et Towaga l’a très mal compris. En cherchant à être beau comme un Pixar ou un Disney, il a oublié en cours de route que les règles régissant l’esthétique d’un jeu ne sont pas tout à fait les mêmes que celles d’une oeuvre cinématographique. Si l’idée d’une chauve-souris noire se déplaçant dans un ciel obscurci par la nuit me paraît séduisante dans un film d’animation, dans un jeu où ma survie dépend de leur visibilité, mes yeux ne peuvent s’empêcher de crier au viol. C’est dire, après deux heures de jeu je n’arrive toujours pas à définir si certains de ces maudits volatiles se matérialisent directement à côté de mon héros où si je ne les ai tout simplement pas vus se déplacer jusqu’à moi. Ce manque de lisibilité des ennemis aériens vient se superposer au capharnaüm perpétuel qu’est la zone périphérique à notre héros. Lorsqu’on se laisse déborder par la quantité astronomique d’ennemis de certains stages, tous les ennemis s’y superposent dans un gloubiboulga d’animations d’attaques dont il est absolument impossible de tirer la moindre information.


Alors bien sûr, on sent que les développeurs ont tenté d’apporter un peu de lisibilité à l’ensemble mais à nouveau avec beaucoup de maladresse. Lors du déclenchement d’une attaque, l’assaillant se dote d’un halo rouge pour attirer l’attention. Malheureusement, les ennemis à la résistance moyenne sont pourvus du même halo dès leur apparition sur l’écran, les ennemis rapides sont en vert et le reste du bestiaire n’a pas de couleur. Cela sème, là encore, une confusion folle et tue dans l’oeuf une excellente initiative. Ajoutez à cela que pendant la phase de dernière chance l’écran passe en noir et blanc, évacuant ainsi les marqueurs visuels avec la mécanique centrale, et vous comprendrez que Towaga semble ne pas trop savoir par où empoigner ses problèmes.

Finalement pour comprendre ce qui va de travers avec Towaga il suffit de bien regarder ses niveaux. Le jeu en compte pour l’instant six. Tous ont un décor et une ambiance qui leur est propre. Sunnyside aurait pu profiter de ce travail visuel pour proposer cinq à dix situations de jeu par décor au lieu d’une seule. Cela aurait permis de proposer plus de gameplay sans tuer les artistes à la tâche. Ce qui me laisse penser que le studio lausannois prend plus de plaisir à créer des univers et les mettre en image qu’à les remplir d’un gameplay de qualité. Loin de moi l’idée de juger cette sensibilité artistique, mais je ne peux m’empêcher d’être un peu triste de voir Towaga n’être finalement qu’un physique de rêve abritant une tête bien vide.