Cher lecteur, tes petits yeux suintent la suffisance. Tu regardes l’Internet avec eux depuis des années et tu crois tout savoir de ses moindres recoins. Tel un vieux champignoneur, tu conserves jalousement tes coins à vidéos préférés, persuadé que tout le monde te les envie. C’est pourquoi tu lis ces lignes rempli d’une assurance insolente. Au risque de briser à tout jamais cette belle confiance en toi, je me vois à nouveau contraint de te faire remarquer que tu n’as rien compris.
Puisque tu me sembles un peu prétentieux mais pas complètement bête, je te fais grâce de mes explications sur l’inutilité du Youtuber moyen. Tu dois déjà savoir que la quasi totalité de leur masse informe est à cautériser au lance-flamme dans l’urgence. Tes petits doigts boudinés ont même déjà sûrement déniché un ou deux rigolos valables ne cherchant pas à te vendre du Coca-Cola ou des abonnements au Playstation Plus par messages subliminaux interposés. Tu pense donc que je viens t’insulter juste pour le plaisir de la méchanceté et que tu n’as pas besoin de moi. Tu as un peu raison pour le premier point et complètement tort sur le deuxième. Ce que je te propose aujourd’hui ce n’est pas un substitut à tes minables petits shots de qualité une ou deux fois par semaine. Non, ce que je te propose ami lecteur, c’est le grand voyage sur une planète merveilleuse où l’on te jette en pâture quarante minutes de rêve non-stop tous les jours. Une orgie d’intelligence, de bon goût et de rigolade à portée de main. Un petit miracle nommé Nolife.
En France, Nolife est une chaîne de télévision. En Suisse, elle officie sur Internet, sur Twitch pour se faire une idée gratuitement mais surtout sur Noco, leur plateforme de visionnage forgée à la main. C’est là que moyennant quelques finances tu auras accès à tout leur catalogue jusqu’à aujourd’hui. Une avalanche de vidéos qui pourrait te tenir compagnie sans interruption jusqu’à Noël. Certes, tout n’y est pas fantastique: personnellement, ma raison m’interdit tout émerveillement face à de jeunes asiatiques chantant de la pop sirupeuse ou de jeunes adolescents considérant les personnages de Nomura comme le sommet du bon goût. Mais ces considérations toutes personnelles mis à part, la grande majorité du contenu de la chaîne dépasse de la tête et des épaules tout ce qui se fait ailleurs.
Intéressons-nous pour commencer à leurs critiques vidéoludiques puisque ta présence ici fait de toi un esthète de cet exercice ô combien périlleux. Tu seras ravi d’apprendre que j’ai moi aussi mes petits endroits de référence pour consommer de la critique intelligente. Il se trouve justement que le point culminant de mon plaisir actuel se trouve être chez Nolife, en la plume de Kevin Cicurel (Moguri). Comme tu le sais, j’aime les gens avec quelques trains d’avance dans leur perception du jeu vidéo, offrant à leurs lecteurs/spectateurs de nouvelles perspectives sur notre média. Moguri fait tout ça à merveille tout en ayant l’élégance d’aller le plus souvent dans le même sens que moi, preuve indéniable d’une intelligence supérieure. Pour ne rien gâcher, ce chantre de la critique next gen est accompagné de Mehdi Camprasse (Medoc) un trublion lumineux qui dédramatise avec talent tout le sérieux que pourraient prendre ces analyses parfois complexes. Un tandem de haute volée qui rappelle la grande époque du 3615 Usul où le décryptage de Dorian était soutenu à merveille par la gouaille d’Usul.
EXP ou le n’importe quoi au service du RPG.
Autour de ce petit coeur pulse tout un tas d’émissions au diapason. Big Bang Hunter s’intéresse à la source des idées majeures à travers des interviews et un enrobage savoureux. Les Oubliés de la Playhistoire, animé par le grand Florent Gorges, extrait les pépites oubliées du jeu vidéo. Crunch Time conte le développement de jeux à travers son vocabulaire. Retro & Magic nous parle avec tendresse des jeux de notre enfance. Et Superplay met en lumière des joueurs au talent et à l’acharnement venu d’ailleurs.
A ceci s’ajoute de nombreuses émissions terminées mais toujours disponibles s’intéressant à l’arcade (Game Center), aux petits secrets des jeux vidéo (Hidden Palace) ou carrément aux jeux de fesses (Chaud Time).
Vu comme ça, tu pourrais croire que la chaîne est entièrement dédiée au jeu vidéo. Une grave erreur que je t’imputerais avec plaisir si je n’en étais pas la cause. Rassures-toi, Nolife propose également toutes sortes d’émissions propres à élargir ton horizon limité. Pour t’en convaincre, je commencerais par ma petite préférée: Mot de Saison. Ce rendez-vous bimensuel s’intéresse à l’art japonais. Frédéric Hosteing y conte avec un incomparable bagout l’origine et la signification d’oeuvres maîtresses du pays de Mario. Dans un registre plus moderne tout aussi percutant, Catsuka te noiera sous des avalanches de courts métrages et de précieux « conseils de regardure ». Le fascinant Metal Missile & Plastic Gun te convaincra sans l’ombre d’un doute que les jouets sont bien trop importants pour être confiés aux enfants. Tu pourras également sustenter mensuellement tes déviances pour le jeu non vidéo et les cubes en bois avec A Table!. Et pour finir, la fiction Vous savez pourquoi on est là te rappellera tout le bonheur de la vie en entreprise au 21e siècle.
Maintenant, à la lumière de ces informations, soit tu fais preuve d’intelligence en déboursant quelques euros dans un abonnement Noco, soit tu retournes à tes Youtubers « gratuits ». Dans tous les cas, veille à ne pas oublier que les vidéos, c’est comme les champignons: il faut les consommer avec prudence. Si certaines peuvent faire d’excellents repas, d’autres ont déjà causé des dégâts irréversibles à de nombreux promeneurs un peu trop naïfs.