Vous n’avez rien compris à Minivilles

Salut mon sérénissime lecteur, aujourd’hui on va reparler jeu pas vidéo. Oui, j’avais promis qu’on ne recommencerait pas mais j’ai menti. Le seul mec qui n’a jamais menti a fini sur une croix donc je te prierais de garder tes remarques outrées pour toi. Nous allons donc parler de Minivilles, le nouveau jeu de chez Moonster Game. Une maison d’édition tout à fait fréquentable spécialisée dans les jeux venus d’Asie et ayant édité les excellents Gosu et Koryo. Leur dernier né, Minivilles, est loué de partout comme un brillant jeu familial promis au plus grand des succès. Et toi mon naïf lecteur tel un mouton tu es déjà prêt à te précipiter dans ton échoppe préférée pour te sustenter de cette potentielle merveille ludique. Me voici à nouveau forcé de voler à ton secours car pour changer, tu n’as rien compris.

Pour t’expliquer ton erreur, je vais devoir dans un premier temps t’expliquer le fonctionnement de Minivilles. Dans la tradition des city builders, l’objectif pour chaque joueur est de construire quatre bâtiments principaux. Le prix de ces derniers étant élevé, il va s’agir d’acquérir plusieurs constructions aux prix plus modestes mais générant une somme d’argent plus ou moins élevée à chaque tour. Exemple: un champs de blé pourra potentiellement générer un revenu d’une pièce par tour. Ajoutes-y un marché et la valeur de chaque champs doublera. Certaines constructions comme le café ou le verger permettent de voler de l’argent aux autres joueurs ou de gagner des sous pendant leur tour. Une vingtaine de bâtiments aux pouvoirs différents sont proposés, permettant d’établir des stratégies variées. « Mais tout va bien alors mon coco, pourquoi tu râles? » penses-tu dans ta hâte de lecteur moderne. Non, tout ne va pas bien mon cher. Le problème de Minivilles réside dans la façon de déclencher ces pouvoirs: le hasard.

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Chacun des bâtiments a un chiffre attitré entre 1 et 12: à leur tour, les joueurs jettent un ou deux dés dont le résultat active les bâtiments correspondants. Par exemple, le champ de blé est attribué au chiffre 1, le marché au chiffres 11 et 12, le café au 3, et ainsi de suite. Ainsi, si un joueur décide d’établir une stratégie portant sur la possession de champs de blé et de marchés, il devra implorer les dieux pour que les dés veuillent bien afficher le 1, ou mieux le 11 ou le 12. Un peu comme un loto, mais avec une stratégie en amont. Et c’est bien là tout le ridicule de la situation: Minivilles place le hasard au-dessus des décisions du joueur. Si le hasard peut être vecteur d’amusement et de variété lorsqu’il est injecté dans un processus de décision, il est important pour éviter la frustration que le joueur ait le sentiment que ses décisions ont un effet sur le cours du jeu. Ceci même si elles sont vouées à être malmenées par les décision des autres et le-dit hasard. Dans Minivilles, puisque seul les dés décident du déclenchement des stratégies mises en places, cela les rend de facto caduques. Tu auras beau échafauder la combinaison de bâtiments la plus rentable du jeu, si les deux ou trois chiffres dont tu as besoin ne sortent jamais, tu n’auras qu’à assister à la victoire de ton fils Kevin Lechanceux et sa collection de bâtiments sans queue ni tête. Même en appliquant la seule stratégie viable qui consiste à posséder un bâtiment de chaque chiffre, on ne reste pas à l’abri de voir un joueur ayant tout misé sur un combo encaisser une somme faramineuse sur un coup de bol et emporter la victoire: frustration et énervement garantis.

Du coup, je m’interroge, ami lecteur: comment des sites comme Tric Trac peuvent en chanter les louanges sans une mauvaise foi certaine? Je ne peux pas croire que des critiques de jeu ayant autant d’années de pratique se laissent abuser par un game design aussi minable. Si je comprends bien que le jeu familial ne doit pas être jugé aussi sévèrement qu’un jeu pour joueurs chevronnés, Miniville reste un loto fastidieux tentant de se faire passer pour un jeu familial à la saveur stratégique. Même jugé à l’aune du Loto, il reste ridicule tant sa mise en place est pénible et ses règles longues à expliquer.

Tu l’auras compris mon lecteur, il s’agit de fuir ce jeu comme s’il sortait de la cuisse de David Cage. Si tu souhaites assouvir ton envie de rigolade et fourberie entre amis, je ne saurais que trop t’encourager à te procurer le moins prétentieux Love Letter. Il est lui aussi venu d’Asie mais avec son hasard au bon endroit.