Yo-kai Watch

Laissez-moi vous conter une histoire : « Un beau matin de 2011, Akihiro Hino, président de Level-5, se réveilla avec une étrange sensation. Non, ce n’était pas une demi-pâteuse comme il avait l’habitude de ressentir quand on lui annonçait les ventes du dernier Inazuma Eleven et que toute la boîte cassait ses RTT pour fêter ça dans le premier Izakaya venu. Ce que ressentait M. Hino aujourd’hui c’était de l’inspiration. Celle avec un grand « I », qui vient du fond des tripes : « SAPERLIPOPETTE ! Mais c’est bien sûr ! » Dit-il en bon japonais. Ni une ni deux, il se rua dans sa Nissan Altima de fonction, et se rendit de suite à son bureau. Une demi-heure plus tard, une réunion était organisée et M. Hino pris la parole d’un ton volontairement cérémonial. « Motomura, tu arrêtes tes conneries avec Ni no Kuni 2, on garde ça pour le prochain trimestre. D’ailleurs arrêtez tous les autres projets en cours, j’ai trouvé un moyen de se faire des couilles en or de façon beaucoup plus simple. On va faire un POKEMON-like bordel ! »

Et voilà. Vous savez tout ce qu’il y a à savoir sur Yo-Kai Watch. Oui, c’est un Pokémon 2.0. Oui, il a été créé en majeur partie pour vendre son univers étendu à base d’anims, de peluches et autres montres en plastique avec jetons à collectionner. Pourtant, même en connaissance de cause, il me tardait d’essayer ce Yo-kai Watch et comprendre enfin ce qui se cache derrière un phénomène pareil.

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« L’urbanisme à la japonaise transpire de toute part »

Tout commence donc lorsque mon personnage, nommé affectueusement « Belzébuth », trouve au beau milieu de la forêt un Gachapon, dont sortira son premier ami Yo-kai. 20 minutes d’explications en tout genre plus tard, nous sommes enfin libres de nous déplacer dans notre village. Première constatation, le jeu profite d’un bel emballage. Certes, il y a des graphismes chatoyants mais c’est surtout un certain sens de l’urbanisme et de l’architecture qui se dégage. Si vous vous êtes déjà rendu au Japon, vous reconnaîtrez tout ce qui fait le charme et la banalité d’une localité moyenne. Les distributeurs à boissons, les seven-eleven ou les canaux délimitant le territoire sont autant de détails qui ancrent l’univers dans le réel. Le quotidien devient alors le contre-point parfait pour faire ressurgir le fantastique et le sens de l’aventure. Il n’est donc pas surprenant que tant de gamins japonais aient pu facilement s’identifier à l’histoire du jeu, intrinsèquement liée à leur propre vie de tous les jours.

Seulement voilà, si l’on aime bien flâner à vélo aux abords de la ville, acheter un bento à la superette ou pêcher la carpe à l’étang du coin, la réalité du jeu même nous rattrape et brise bien vite ce miroir aux alouettes. Pour s’en rendre bien compte, repensez à Pokémon. Où se trouvait le cœur de gameplay ? Dans les combats, vous me répondez. Oui très clairement. Et dans la capture, rajouterais-je. Après tout, le slogan n’était-il pas « Attrapez-les tous ! » ? Le système était d’ailleurs très carré. Attaque au tour par tour, « shifumi » pour les affinités élémentaires et chance de capture inversement proportionnelle à la vie du pokémon visé. Cela suffisait à le rendre simple d’accès mais suffisament « complexe » pour tenir en haleine le long de notre aventure.

"La routourne va vite tourner" Confucius

« La routourne va vite tourner » Confucius

Avec Yo-Kai Watch, on passe également la moitié de son temps à se combattre… mais l’on s’y ennuie bien plus profondément. Nos 3 Yo-kai qui apparaissent à l’écran choisissent eux-mêmes leurs attaques, qu’il s’agisse d’un simple coup normal, d’une magie ou d’un « Débuff » qui affaiblira l’adversaire. La plupart des combats peuvent donc se dérouler sans que vous ayez besoin d’intervenir. Ce qui est louable quand on offre la possibilité d’accélérer l’action, tel un certain Bravely Default, mais une véritable torture quand celle-ci n’est pas présente. Que fait-on alors ? 2 choses. Premièrement, vous pouvez tourner une roue à la volée pour modifier l’alignement de vos Yo-kai, principalement quand l’un d’entre eux est mal en point. Deuxièmement vous pouvez déclencher des coups spéciaux, au travers de 3-4 mini jeux qui se répètent en boucle. C’est tout. Vous passerez donc votre temps à tapotez sur l’écran, à le frotter ou encore à tracer des lignes, au lieu d’établir des stratégies et trouver le bon équilibre dans les forces de vos alliés. L’aventure est ainsi d’une simplicité confondante et seuls quelques boss coriaces vous forceront à grappiller quelques niveaux supplémentaires pour mieux les finir, toujours en exécutant des mini jeux insipides bien entendu.

C’est alors qu’on découvre le deuxième point faible de Yo-kai watch. La capture est purement une question de chance. A la fin de chaque combat, les esprits que vous aurez battu ont une certaine probabilité de vous rejoindre. Votre seul moyen d’influencer ce chiffre est de donner à manger au Yo-kai en question, quelque chose qu’il aime. Oui, mais quoi ? Aucune idée. Il n’y a tout simplement pas moyen, à part le tâtonnement, de savoir ce qu’il désire entre les dizaines de snacks que vous récolterez un peu partout. Sachant qu’un quart des quêtes vous demande de capturer, pardon, de vous lier d’amitié avec un monstre spécifique, il y a de quoi devenir fou au bout d’une énième tentative infructueuse. Au final, j’ai abandonné toute idée de choisir les Yo-kai que je désirais et ai simplement fini l’aventure avec ceux qui avaient bien dénié me rejoindre. Ce qui vous l’avouerez, est ballot quand on se prétend être un Pokémon-like.

Votre mari à perdu un document important à la gare et vous devez lui amener au bureau ? pas de soucis, votre gamin de 8 ans est là !

Votre mari à perdu un document important à la gare et vous devez lui amener au bureau ? Pas de soucis, votre gamin de 8 ans est là !

Alors non vous vous en doutez bien, je n’ai pas aimé Yo-kai watch. Level-5 me donne d’ailleurs raison puisque pour leur prochaine version du jeu, ils ont revu leur système de combat en allant allégrement pomper s’inspirer du côté de chez Sakaguchi et son Terra Battle. Mais voilà, avec un brin de défaitisme mercantile, ça ne m’a pas empêché de l’offrir à mon neveu, la véritable cible du jeu. Car je suis sûr qu’il y a 20 ans, pour la sortie de Pokemon, il y avait déjà des vieux cons comme moi qui invoquaient Dragon quest ou Suikoden pour cracher tout leur mépris sur les mécaniques simpliste de ce nouveau venu. Sauf qu’il y a 20 ans, j’étais très heureux de jouer à Pokémon. Et je serais bien bête de ne pas laisser mon neveu avoir le même plaisir en jouant à Yo-Kai watch. Ne serait-ce que pour lui donner un avant-goût du JRPG et des véritables aventures qui l’attendent par la suite.