Mélenchon et les « gamers »

Il y a une dizaine de jours, Jean-Luc Mélenchon, célèbre politique français de gauche faisait une déclaration au sujet du dernier Assassin’s Creed Unity. Il y critiquait la représentation faite de la révolution française en ces mots: « Je suis écœuré par cette propagande.[…] Le dénigrement de la grande Révolution est une sale besogne pour instiller davantage de dégoût de soi et de déclinisme aux Français. Si l’on continue comme ça, il ne restera plus aucune identité commune possible aux Français, à part la religion et la couleur de peau.» Un avis qui dans un milieu autre que le jeu vidéo aurait laissé place à un débat sur le fond. Seulement voilà, le jeu vidéo n’est pas le cinéma ou la littérature: il se trimbale une meute d’autoproclamés « gamers » se partageant un neurone et la défense d’un temple qui n’est pas le leur.

Cette masse informe qui s’illustre également dans d’autres situations tout aussi peu glorieuses (cf. #gamergate), se croit à chaque « attaque » sur sa passion le devoir de prendre les armes et de monter au front. Alors bien sûr, quand je dis le « front », je ne parle pas d’une démarche guerrière réelle avec des armes ou même une manifestation dans la rue, évidement que non, ceci demanderait du courage. Leur bataille se mène avec leurs petits doigts furieux sur des forums ou Twitter. Cachés derrière l’anonymat confortable de leur ordinateur, ils insultent ces êtres démoniaques qui critiquent leurs jeux vidéo. L’important étant d’être virulent et de ne surtout jamais réfléchir. Parce que comme le leur a fait élégamment remarquer hier leur nouvel ennemi dans un post sur son blog, ces messieurs se tirent des balles dans les pieds depuis deux semaines.

Site Mélanchon

En effet, si ces guerriers cultivaient les neurones aussi bien que l’idiotie, ils se seraient rendus compte que la critique de Monsieur Mélenchon est au contraire la preuve d’un changement drastique dans la perception des jeux vidéo par les élites françaises. A aucun moment dans sa tirade il ne cherche à mettre en cause le bien-fondé du jeu vidéo dans son ensemble. S’il émet un avis sur le message historique véhiculé par Assassin’s Creed, c’est justement qu’il le considère au même titre que n’importe quelle oeuvre. Il inclut le jeu vidéo dans le cercle des disciplines artistiques proposant un discours digne d’intérêt: une position dont chaque joueur rêve depuis des lustres. Tout au plus pourrait-on lui reprocher d’avoir cet avis sur la base d’un trailer ou de ne s’intéresser qu’au thème en oubliant d’étudier les propos véhiculés par les mécaniques, mais la presse spécialisée n’étant elle-même pas très au clair sur cette distinction, il est tout de même difficile de le reprocher à Mélanchon.

Alors pourquoi donc s’indigner de cette déclaration? Eh bien pour les mêmes raisons que ces gens menacent de mort des femmes et qu’ils dénoncent la corruption de la presse en désignant le youtubeur moyen comme garant de l’objectivité: ces gens sont les tristes restes d’une époque révolue où le jeu vidéo était soi-disant un royaume peuplé majoritairement d’adolescents mal dans leur peau en voulant à la terre entière. A force de définir le bien et le mal à la truelle et d’attaquer n’importe qui à vue, ces justiciers en culottes courtes se retrouvent à décrédibiliser eux même leur précieux temple. Au final le meilleurs service qu’il pourraient rendre à leur « communauté » c’est de grandir et surtout de réfléchir avant de taper.